jeudi 10 mai 2018

Technique: Rabotage, contrôle de l'arrachement

Un jour ou l'autre nous sommes tous confrontés à une pièce de bois récalcitrante qui nous offre un fil enchevêtré et qui occasionne de l'arrachement (tear-out) lors de son planage.

Voici les différentes méthodes qui aident pour contrôler ce problème.  Voir plus bas pour les rabots à angle faible.

Pour un rabot standard avec siège à 45 degrés:

1. S'assurer que le fer est bien affûté.
2. Réduire la lumière au minimum.
3. Avec un contre-fer bien assis sur le fer, le rapprocher du tranchant.
4. Ajouter un contre-biseau de 5 ou 10 degrés.
5. Réduire la profondeur de coupe.
6. Ajuster l'angle d'attaque du contre-fer

En détail maintenant.


Le point 1. est sans contredit la première chose à tenter.  Un fer émoussé ou mal affûté ne peux tout simplement pas bien travailler.  Il doit, parce qu'il est émoussé, avoir une profondeur de coupe trop importante qui est souvent la cause principale de l'arrachement.

Le point 2. est plus controversé.  Même si, en principe, le support offert par une lumière réduite améliore le problème de l'arrachement, en pratique il faudrait que la lumière soit juste assez large pour laisser passer le copeau.  On parle donc ici d'un ajustement au millième de pouce pour un rabot de finition.

Sur la dessin ci-bas on peut voir une lumière d'environ 35 microns (0.0015"), un copeau de 0.025mm (0.001") et un contre-fer à 0.04mm (0.0015") du tranchant.  Vous tenterez cet ajustement!



Ce dessin provient du site internet de Steve Elliot que je vous encourage à consulter ici.

Une lumière de 0.25mm (0.010") avec une profondeur de coupe de 0.05mm (0.002") ne sert pratiquement à rien.  L'idée est que la lumière doit être suffisamment étroite pour que le copeau soit forcé de plier sans arracher.



Ces strictes tolérances supposent que la position du siège devra être réajusté régulièrement pour s'adapter aux différentes profondeurs de coupe.  Je pense qu'un compromis doit être appliqué et, dans mon cas, la lumière de mes rabots de finition est de 0.25 à 0.5mm (10 à 20 millièmes de pouce).  Je préfère m'attaquer plutôt aux points 3 et 6. qui sont l'angle et la distance du contre-fer.

Le point 3. est celui qui je préconise et que j'utilise constamment pour tous mes rabots standards.  Il n'est pas toujours facile d'ajuster le contre-fer très près du biseau.  J'utilise un petit marteau pour l'ajustement final (ou avec un grande loupe d'établi) et ce que je recherche est d'être le plus près possible du tranchant mais sans exagérer.  J'en parle en détail dans ce billet.

Vous allez être surpris de la facilité de cette procédure.  Faites quelques essais et donnez-moi en des nouvelles.

Dans la prochaine photo j'ai tenté de vous montrer  le résultat de l'ajustement que je fais et je peux vous assurer que cette lame a déjà été testée dans les pires pièces de bois que je possède et qu'elle fonctionne très bien - sans aucun arrachement.



J'ai la chance d'avoir un petit microscope Celestron et je vérifie donc la position exacte de ce contrefer.



Voici une ligne de calibration de 0.1mm (0.004") qui vous permettra de comparer.



Donc le contrefer était à environ 0.06mm (0.002") du tranchant et le contrôle de l'arrachement était parfait.

Le point 4. (contre-biseau) est définitivement envisageable.  Dans mon cas, avec ma procédure d'affûtage habituelle, j'ai déjà un petit contre-biseau d'environ 3 degrés.  Pour être certain de se comprendre, un contre-biseau est un biseau sur le dos de la lame.  Jusqu'à 50 degrés d'angle d'attaque je ne saurais faire la différence avec un rabot standard à 45 degrés.  Pour 55 et plus, c'est nettement plus ardu et le fini de surface commence à s'en ressentir.

Si vous optez pour cette solution et que votre contre-biseau est large, vous devrez tenir compte que le contre-fer sera probablement appuyé dans la zone du contre-biseau et que le parfait ajustement requis entre le contre-fer et le dos du fer devra probablement être modifié.  Si vous ne le faites pas, des copeaux réussiront à s'insérer entre le fer et le contre-fer.

Le point 5. Ah, réduire la profondeur de coupe!  C'est une des solutions les plus simples et qui donne des résultats pas mal bon.  Le problème est que vous pouvez avoir pas mal de matériel à enlever et, à coup de 0.025mm (0.001"), ça risque de prendre un bon moment.

Le point 6. Une très bonne étude a été réalisé par le professeur Chutaro Kato du Japon.  Voici la vidéo qui, même si elle est en japonais, est facile à comprendre et très explicite.  Le professeur démontre clairement quelle devrait être la distance du contre-fer au tranchant et aussi l'angle du contre-fer.  Le seul bémol que j'apporterais est la vitesse de coupe utilisée qui est de 1m par minute.
Pour résumer on pourrait dire que l'angle du contre-fer devrait être de 50 à 80 degrés et sa distance du tranchant être au maximum de l'ordre de 0.2mm (0.008").  Un angle de 80 degrés additionné à celui de la lame qui est à 45 nous donne 125 degrés.

Je vous ferai remarquer que le professeur Kato a une lumière infinie puisqu'il n'y a aucun appui devant la lame.

Pour un rabot à angle faible (biseau vers le haut):

1. S'assurer que le fer est bien affûté.
2. Réduire la lumière au minimum.
3. Augmenter l'angle d'attaque
4. Réduire la profondeur de coupe.

En détail maintenant.

Le point 1. est identique à ce que je disais pour un rabot à biseau vers le bas.  Un fer émoussé ou mal affûté ne peux tout simplement pas bien travailler.  Il doit, parce qu'il est émoussé, avoir une profondeur de coupe trop importante qui est une des causes importantes de l'arrachement.

Le point 2. encore une fois est identique à ce que je disais pour un rabot normal à biseau vers le bas.

Le point 3. (angle d'attaque élevé) est définitivement l'approche à privilégier.  Normalement le fer est assis à 12 degrés et si on lui ajoute un biseau de 30 degrés, on obtient un angle total d'attaque de 42 degrés.  Cet angle de 42 sans support d'un contre-fer n'est définitivement pas adéquat.

L'angle d'attaque peut varier énormément et se situer entre 37 et 60 degrés.  Entre 37 et 50 d'angle d'attaque il risque d'y avoir de sérieux problèmes d'arrachement.  Entre 50 et 60 l'arrachement est drastiquement réduit sinon éliminé.

Le point 4. (réduire la profondeur de coupe) est identique aux commentaires que j'avais pour les rabots conventionnels.

J'ai, par contre, cinq reproches à faire à ces angles d'attaque élevés.

- Votre rabot sera plus difficile à pousser à mesure que l'angle augmentera.  Voir étude sur le sujet.
- Des angles aussi élevés sous-entendent l'utilisation de guides pour l'affûtage.
- Le fini de surface ne sera pas aussi beau qu'avec un rabot standard.
- Vous aurez besoin de plusieurs lames sinon vous passerez votre temps à refaire le biseau principal dépendant de ce que vous voulez faire (grain de bout, grain difficile, grain très difficile).
- La durabilité de l'affûtage est nettement moindre que pour un rabot conventionnel, c'est à cause du faible angle de dépouille de 12°. Voir étude sur ce sujet.

A l'avenir, si je découvre d'autres techniques pour contrer l'arrachement lors des essais que j'aime faire régulièrement, je viendrai éditer ce billet avec mes nouveaux commentaires.

7 février 2022: Les années ont passées depuis que j'ai écrit ce billet et j'ai revendu tous mes rabots à angle faible (sauf un).  J'utilise continuellement la méthode du contre-fer très rapproché du tranchant.  J'ai même dédié deux rabots à cette méthode, un no.3 et un junior jack 5-1/4.

Normand

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